Dre Provencher
Retour aux ressourcesLa Dre Provencher est chirurgienne-oncologue au CHU de Québec-Université Laval. Elle est également
chercheuse clinicienne au Centre de recherche du CHU de Québec-Université Laval et professeure de clinique à la
Faculté de médecine de l’Université Laval. Elle siège en outre à plusieurs comités consultatifs canadiens sur le
cancer du sein.
Trouver un sens à la médecine
Je suis d’abord une chirurgienne, puis une oncologue. La chirurgienne en moi aime régler les problèmes et traiter les maladies. Comme étudiante, j’ai constaté rapidement que les maladies ne sont pas toutes égales : certaines sont limitées dans le temps (dites « aiguës »), alors que d’autres deviennent parfois des maladies chroniques. Le cancer du sein est une de ces maladies difficiles pour les patientes, mais aussi pour les soignants. Ce cancer nécessite un engagement personnel et professionnel constant, nous forçant à nous dépasser dans nos connaissances et nos attitudes, car les patientes nous donnent des leçons de vie incroyables! S’engager dans cette voie signifie aussi travailler en équipe, un aspect qui m’a beaucoup attirée.
Le plus satisfaisant est sans aucun doute le contact avec la patiente et sa famille. Notre diagnostic de cancer du sein change la vie de nos patientes et de leurs proches. Les exemples de résilience et d’adaptation qu’ils nous donnent nous inspirent. Ils suscitent mon admiration. Plus nous connaissons cette maladie, plus nous devenons humbles : il y a tant à apprendre, tant de facettes! Au fil de mes 30 années de pratique, les traitements ont beaucoup changé, passant de chirurgies mutilantes à de plus petites chirurgies, puis à des traitements plus précis, plus ciblés, visant plusieurs sous-types de cancer du sein. Malgré tout, il arrive que la maladie l’emporte et que des métastases surviennent.
L’annonce du diagnostic
Comment annonce-t-on un diagnostic de cancer du sein métastatique à une patiente? Ma réponse spontanée est qu’il n’y a pas de bonne ou de mauvaise façon, mais, en y pensant bien, je crois qu’il y a deux situations distinctes.
Il y a d’abord la patiente que nous connaissons depuis le début de sa maladie, que nous avons encouragée tout au long de ses traitements, offerts alors dans un but curatif, tels que la chirurgie, la chimiothérapie et la radiothérapie. Le contact est déjà présent, établi, et là, quelques mois ou quelques années plus tard, nous devons lui apprendre que le cancer a été plus fort que nos traitements, que nos connaissances. C’est ressenti comme un échec pour le soignant, mais il faut le surmonter pour épauler cette patiente, ne pas l’abandonner, tout faire pour qu’elle se sente soutenue, l’encourager à poursuivre sa route, son combat, et la convaincre que cela en vaut la peine.
De l’autre côté, il y a la patiente nouvelle, que nous ne connaissons pas, et dont le cancer est déjà métastatique au moment du diagnostic. C’est difficile de trouver la bonne façon de l’annoncer, en donnant des réponses compréhensibles, adaptées à leurs connaissances sur la maladie, souvent acquises par le peu d’informations véhiculées par la télévision ou dans les journaux.
Ce sont les questions précises auxquelles il est le plus difficile de répondre : « Vais-je en mourir, Docteure? » Notre responsabilité comme médecin traitant est de dire la vérité et de nuancer, de montrer les facettes des traitements, de décrire le cheminement qui s’annonce et qui, maintenant, dans une grande proportion des cas, s’étend sur plusieurs années. Pour le professionnel de la santé, cependant, une patiente qui meurt de cancer du sein en est une de trop. Nous souhaitons tous que la recherche, tant clinique que fondamentale, nous aidera à trouver les médicaments ou interventions qui mettront un terme à cette affection.
Certaines patientes m’ont impressionnée par leur combativité et leur détermination, alors que d’autres ont mérité mon admiration par le soin qu’elles prenaient à s’assurer que leurs proches ne manqueraient de rien après leur départ, ou simplement par leur amour de la vie. Toutes m’ont impressionnée par leur capacité à s’adapter à leur situation. Quand on est en bonne santé, on se dit parfois : « Si moi, j’avais un cancer du sein métastatique, je ne prendrais pas telle chimiothérapie » ou « Dans telle situation, je n’accepterais plus de traitement ». La qualité de vie à laquelle la patiente consent au fil des traitements dépend de ses objectifs de vie. Je me souviens d’une grand-maman qui voulait subir une autre chimiothérapie dans l’espoir de voir naître sa deuxième petite-fille, ou de cette autre qui voulait assister au mariage de son fils. Qui suis-je pour juger de la qualité de vie de ma patiente et de ce qu’elle accepte, moi qui suis en bonne santé? Mon travail est de bien l’informer, de la soutenir et de donner un traitement adéquat au meilleur de mes connaissances..
L’avenir du cancer du sein métastatique et des soins aux patientes
Il est difficile de séparer la vie professionnelle de la vie personnelle : c’est un défi constant. Séparer complètement ces deux facettes de soi est quasi impossible. Nous avons une profession passionnante, pleine d’altruisme et d’émotions. Discuter d’une patiente qui me préoccupe avec celui qui partage ma vie me fait du bien et aide mon conjoint à comprendre certains états d’esprit! Cela me permet ensuite de profiter pleinement du moment présent, de relativiser les petites contrariétés de la vie! Mes patientes m’ont appris à le faire.
Peu de gens parlent du cancer du sein métastatique, parce que cela les met en face de la précarité de la vie, et chacun se sent concerné. Le modèle actuel de vie en est un de réussite, de performance, d’atteinte d’objectifs, et non d’échec. Aussi, tout est compartimenté : un « malade » est à l’hôpital, une personne âgée, dans un centre d’hébergement. Bref, on ne côtoie la maladie chronique que par moments et on ne sait pas comment réagir ou quoi dire. On a peur de demander comment cette femme atteinte vit dans son quotidien, au point d’en oublier qu’elle a un quotidien et que, parfois, cela fait du bien d’en parler, tout simplement! Parfois, au détour d’une entrevue avec une patiente, je revois son cheminement et je m’aperçois que cela fait de huit à dix ans que des métastases ont été diagnostiquées. Elle me parle des moments heureux de ces dix ans, de son bonheur d’avoir eu ce sursis… et de sa volonté de continuer. Nous continuons, en équipe, en nous souhaitant un autre dix ans!
Trouver un sens à la médecine
Je suis d’abord une chirurgienne, puis une oncologue. La chirurgienne en moi aime régler les problèmes et traiter les maladies. Comme étudiante, j’ai constaté rapidement que les maladies ne sont pas toutes égales : certaines sont limitées dans le temps (dites « aiguës »), alors que d’autres deviennent parfois des maladies chroniques. Le cancer du sein est une de ces maladies difficiles pour les patientes, mais aussi pour les soignants. Ce cancer nécessite un engagement personnel et professionnel constant, nous forçant à nous dépasser dans nos connaissances et nos attitudes, car les patientes nous donnent des leçons de vie incroyables! S’engager dans cette voie signifie aussi travailler en équipe, un aspect qui m’a beaucoup attirée.
Le plus satisfaisant est sans aucun doute le contact avec la patiente et sa famille. Notre diagnostic de cancer du sein change la vie de nos patientes et de leurs proches. Les exemples de résilience et d’adaptation qu’ils nous donnent nous inspirent. Ils suscitent mon admiration. Plus nous connaissons cette maladie, plus nous devenons humbles : il y a tant à apprendre, tant de facettes! Au fil de mes 30 années de pratique, les traitements ont beaucoup changé, passant de chirurgies mutilantes à de plus petites chirurgies, puis à des traitements plus précis, plus ciblés, visant plusieurs sous-types de cancer du sein. Malgré tout, il arrive que la maladie l’emporte et que des métastases surviennent.
L’annonce du diagnostic
Comment annonce-t-on un diagnostic de cancer du sein métastatique à une patiente? Ma réponse spontanée est qu’il n’y a pas de bonne ou de mauvaise façon, mais, en y pensant bien, je crois qu’il y a deux situations distinctes.
Il y a d’abord la patiente que nous connaissons depuis le début de sa maladie, que nous avons encouragée tout au long de ses traitements, offerts alors dans un but curatif, tels que la chirurgie, la chimiothérapie et la radiothérapie. Le contact est déjà présent, établi, et là, quelques mois ou quelques années plus tard, nous devons lui apprendre que le cancer a été plus fort que nos traitements, que nos connaissances. C’est ressenti comme un échec pour le soignant, mais il faut le surmonter pour épauler cette patiente, ne pas l’abandonner, tout faire pour qu’elle se sente soutenue, l’encourager à poursuivre sa route, son combat, et la convaincre que cela en vaut la peine.
De l’autre côté, il y a la patiente nouvelle, que nous ne connaissons pas, et dont le cancer est déjà métastatique au moment du diagnostic. C’est difficile de trouver la bonne façon de l’annoncer, en donnant des réponses compréhensibles, adaptées à leurs connaissances sur la maladie, souvent acquises par le peu d’informations véhiculées par la télévision ou dans les journaux.
Ce sont les questions précises auxquelles il est le plus difficile de répondre : « Vais-je en mourir, Docteure? » Notre responsabilité comme médecin traitant est de dire la vérité et de nuancer, de montrer les facettes des traitements, de décrire le cheminement qui s’annonce et qui, maintenant, dans une grande proportion des cas, s’étend sur plusieurs années. Pour le professionnel de la santé, cependant, une patiente qui meurt de cancer du sein en est une de trop. Nous souhaitons tous que la recherche, tant clinique que fondamentale, nous aidera à trouver les médicaments ou interventions qui mettront un terme à cette affection.
Certaines patientes m’ont impressionnée par leur combativité et leur détermination, alors que d’autres ont mérité mon admiration par le soin qu’elles prenaient à s’assurer que leurs proches ne manqueraient de rien après leur départ, ou simplement par leur amour de la vie. Toutes m’ont impressionnée par leur capacité à s’adapter à leur situation. Quand on est en bonne santé, on se dit parfois : « Si moi, j’avais un cancer du sein métastatique, je ne prendrais pas telle chimiothérapie » ou « Dans telle situation, je n’accepterais plus de traitement ». La qualité de vie à laquelle la patiente consent au fil des traitements dépend de ses objectifs de vie. Je me souviens d’une grand-maman qui voulait subir une autre chimiothérapie dans l’espoir de voir naître sa deuxième petite-fille, ou de cette autre qui voulait assister au mariage de son fils. Qui suis-je pour juger de la qualité de vie de ma patiente et de ce qu’elle accepte, moi qui suis en bonne santé? Mon travail est de bien l’informer, de la soutenir et de donner un traitement adéquat au meilleur de mes connaissances..
L’avenir du cancer du sein métastatique et des soins aux patientes
Il est difficile de séparer la vie professionnelle de la vie personnelle : c’est un défi constant. Séparer complètement ces deux facettes de soi est quasi impossible. Nous avons une profession passionnante, pleine d’altruisme et d’émotions. Discuter d’une patiente qui me préoccupe avec celui qui partage ma vie me fait du bien et aide mon conjoint à comprendre certains états d’esprit! Cela me permet ensuite de profiter pleinement du moment présent, de relativiser les petites contrariétés de la vie! Mes patientes m’ont appris à le faire.
Peu de gens parlent du cancer du sein métastatique, parce que cela les met en face de la précarité de la vie, et chacun se sent concerné. Le modèle actuel de vie en est un de réussite, de performance, d’atteinte d’objectifs, et non d’échec. Aussi, tout est compartimenté : un « malade » est à l’hôpital, une personne âgée, dans un centre d’hébergement. Bref, on ne côtoie la maladie chronique que par moments et on ne sait pas comment réagir ou quoi dire. On a peur de demander comment cette femme atteinte vit dans son quotidien, au point d’en oublier qu’elle a un quotidien et que, parfois, cela fait du bien d’en parler, tout simplement! Parfois, au détour d’une entrevue avec une patiente, je revois son cheminement et je m’aperçois que cela fait de huit à dix ans que des métastases ont été diagnostiquées. Elle me parle des moments heureux de ces dix ans, de son bonheur d’avoir eu ce sursis… et de sa volonté de continuer. Nous continuons, en équipe, en nous souhaitant un autre dix ans!